3.5 offre une immersion dans un monde fascinant. Ses médiums sont le verre, la projection vidéo, l’ombre portée, le son, avec leur matérialité singulière, comme éthérée. Les formes exposées, oscillant entre l’abstrait mathématique de polygones parfaits et l’organique foisonnant des « microcosmes » de Kim KototamaLune, servent de métaphore de notre société — liquide, virtuelle, éphémère, et de ses paradoxes avec le corps, la physicalité.
Le verre, que l’artiste travaille avec une virtuosité stupéfiante en le filant en réseaux délicats, apparaît d’ailleurs comme une éloquente métaphore de notre société. D’abord par sa matière, la silice, qu’il partage avec le silicium utilisé pour la plupart des puces informatiques qui inondent notre planète. Par sa transparence aussi, qui répond à l’idéologie de notre temps et l’architecture vitrée des lieux de pouvoirs. Par sa force fragile, également. Solide, mais cassant, comme un système à bout de souffle qui, chaque jour, donne la sensation qu’il risque de rompre.
Par sa virtualité, enfin. Pourquoi 3.5 ? Parce que nos corps évoluent dans un espace en trois dimensions. Et pourtant, le monde se sature de surfaces les submergeant. Les écrans, les réalités mixtes, augmentées ou virtuelles ajoutent une couche d’information à cette tridimensionnalité qui, dès lors, semble un peu plus. 3.5, c’est donc une manière de rendre la virtualité, dans toute l’épaisseur qu’a gagné le terme depuis internet : le virtuel comme ce qui est, mais au bord de ne pas être ; le virtuel comme champ des possibles ; le virtuel comme cyberespace.
Voilà 3.5, une expérience dans les limbes des existences moindres, la tentative mystique de toucher ce qui est hors de nos sens. 3.5, c’est la réponse esthétique à une société profondément virtuelle ; c’est l’esprit du temps encapsulé dans la transparence fragile du verre, dans l’immatérialité de l’image projetée et des ombres portées ; que d’instants fugitifs, précaires, qui ne tiennent à rien. 3.5, c’est un microcosme, peuplé d’organismes qu’on dirait aquatiques, un petit théâtre intra-utérin, c’est l’intérieur du corps glitché par des géométries trop parfaites pour être naturelles.
L’installation D’ici peu (2023) a bénéficié du soutien du Fonds Régnier pour la Création.
COMMISSAIRES
Clément Thibault et Christophe Brouard
ARTISTES
Kim KototamaLune, Jean-Benoist Sallé, Stéphane Baz
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